Vilnius

Luc Tuymans a transformé la relation de la peinture figurative avec les images sur écran de la même manière que Gerhard Richter a changé l'engagement du médium avec la photographie analogique. Alors que la source des références visuelles de Tuymans était auparavant la télévision, c'est maintenant l'iPhone. Pour la peinture qu'il a choisie pour sa deuxième édition de TEXTE ZUR KUNST, son téléphone a capturé l'un de ses prédécesseurs historiques : un téléphone analogique. Les reflets picturaux semblent refléter ce processus de travail – la lumière se brisant sur la surface de l'écran à partir duquel l'image a été peinte – mais pourraient également faire allusion à l'emplacement du téléphone spécifique représenté ici : un musée, où il pourrait bien avoir été exposé derrière une vitre. La palette de couleurs atténuées de « Vilnius » est aussi caractéristique de Tuymans que la connexion à un contexte historique dont sa peinture semble ne donner aucun indice. L'artiste a vu le téléphone dans un musée d'histoire dédié à l'occupation soviétique de la Lituanie lorsqu'il préparait une exposition dans cette ville. L'histoire du bâtiment du musée lui-même avait été marquée par une politique meurtrière, ayant abrité les occupants allemands pendant la Première Guerre mondiale avant de servir de quartier général à la Gestapo, puis au KGB. Il y a quelques années, le musée a fait l'objet de vives critiques pour s'être concentré sur la dernière partie de cette histoire et l'affirmation d'un génocide soviétique des Lituaniens tout en restant silencieux sur l'implication des Lituaniens dans l'Holocauste, qui a tué 90 % de la population juive du pays. C'est dans un contexte aussi chargé que Tuymans prend le téléphone et le rend inutile : à la place du cadran rotatif, un abîme vert profond est partiellement dissimulé par de lourdes touches de pinceau noires censurantes.